Cela faisait très longtemps que j’avais envie de prendre la plume au sujet de la marque TGV INOUI. Et pour cause, ce sujet m’a autant révolté il y a quelques années, qu’il me fait réfléchir aujourd’hui. Entre nous, je n’aurais jamais imaginé tirer un jour cette conclusion avec du recul et ce qu’il s’est passé depuis. Nous allons revenir sur le contexte du lancement relativement chaotique du produit en 2017 (et c’est un euphémisme), puis sur les conséquences que les changements à la tête de la direction de (feu) Voyages SNCF, ont pu avoir. Aujourd’hui, la marque semble revenir dans quelque chose de plus stabilisé, après avoir longtemps navigué à vue, orpheline, sans cap précis perceptible en tant que client. Comme dans tout, j’y vois du bon, et du moins bon. Et comme toujours, cela n’engage évidemment que moi : ce que je vous propose ici est bien une analyse et une interprétation strictement personnelles, appuyées sur une succession de faits.
Prenez garde à la fermeture des portes, attention au départ !
Les origines chaotiques de TGV INOUI
Mai 2017. La presse fait ses gros titres : la SNCF renomme ses TGV classiques « inOui ».
Avec la sortie d’une telle info à plus d’un mois de son lancement officiel prévu au 2 juillet, je ne saurai dire s’il s’agissait d’une fuite volontaire ou non de la part de SNCF, pour mesurer l’impact qu’allait avoir ce changement. En 2013, la compagnie ferroviaire avait déjà lancé OUIGO, et ce nom radicalement en rupture avec son lointain ancêtre iDTGV, n’avait pas tant défrayé la chronique. Pourtant, comme son petit frère INOUI, il abandonnait le lettrage historique « TGV ». Normal, du moins « compréhensible », puisque le produit était tout nouveau. Sauf qu’en 2017, la réaction du public ne s’est pas faite attendre. Et de façon très générale, hormis les agences de communication qui se congratulaient (comme d’habitude) sur LinkedIn pour ce lancement « audacieux et résolument moderne », le commun des mortels a réservé un accueil plutôt glacial à la nouvelle. « Le TGV restera toujours le TGV », « La SNCF renie son histoire » pouvait-on lire sur les réseaux sociaux. Et je dois reconnaître avoir fait partie d’une proportion particulièrement invective à l’encontre de cette idée… Certains vont même jusqu’à parler de « risque industriel » avec ce changement de nom. Fracassant. En tous cas, si l’idée était de créer le « buzz », c’est réussi…
Si elle a effectivement confirmé l’information, la compagnie a très rapidement essayé de rattraper les choses : « un TGV restera un TGV, d’ailleurs c’est encore écrit dessus ! » ai-je pu lire dans le post LinkedIn d’un dirigeant, illustré par le concept INOUI.

Oui, comme défense, c’est nul. Littéralement. Je n’ai pas d’autres mots, désolé… Mais de toutes façons, le mal est fait. Une fuite ne permettant pas, du fait de son côté spontané et imprévisible, d’accompagnement ou de déploiement de stratégie de communication de crise, le nouveau logo « INOUI » circule déjà partout. Les Français, cheminots et voyageurs, sont attachés à leur TGV (c’est important, vous verrez dans 10 ans…). Les grands jours de la grande vitesse moderne ont été écrits par les lettres « TGV ». Beaucoup diront même que le TGV a permis de sauver et relancer le transport ferroviaire en France dans les années 1980, à l’époque où la voiture, le bus et l’avion faisaient pourtant irrémédiablement décliner le train. « TGV » est littéralement entré dans le langage commun pour designer un train à grande vitesse. D’où qu’il soit. C’est dire la force, la puissance, d’un tel nom, d’une marque. Alors, symboliquement, renommer TGV en « INOUI », semblait renvoyer la volonté d’oublier tout cela, et de repartir d’une page blanche.

Ce qui est surtout très mal passé, à la différence de OUIGO, qui apportait un vrai nouveau produit, c’est qu’INOUI allait être lancé en juillet 2017 avec un standard reposant sur :
- La livrée extérieure SNCF dite « Carmillon », déjà en cours de déploiement car présentée aux 30 ans du TGV en…2011,
- Le wifi embarqué, également déjà en cours de déploiement,
- Des prises pour tous en Première et Seconde classe, qui équipaient déjà certains matériels récents.

Dans le fond, pourquoi pas. L’ennui, c’est que du jour au lendemain, on gardait le même matériel, les mêmes équipements, la même identité visuelle extérieure globale, on changeait juste les logos, et on devait croire à un réel renouveau.
Les trains sont tous progressivement passés à la livrée Carmillon, jusqu’aux TGV Sud-Est, qui étaient alors encore en circulation, et aux TGV Duplex de première génération. Les premiers étaient donc bien en bonne livrée extérieure pour le standard INOUI, et possédaient grâce à la « RISE » (Rénovation Intérieure Sud Est), des prises en Première et en Seconde classe. Or, pas de wifi, leur radiation approchant. Donc pas conforme au standard de la nouvelle marque. Les trains assurés par ces rames demeureront commercialisés sous la marque…TGV.
Quant aux rames Duplex de première génération, également passées en livrée Carmillon, puis équipées Wifi, ce sont pour le coup, les intérieurs qui sont restés à la mode « Tallon », donc sans prises pour tous (dans un premier temps). Là non plus, pas conforme au standard INOUI. Pas de nouvelle marque, ces rames assureront encore des trains « TGV ».
Alors comment voulez-vous que le client s’y retrouve ? Esthétiquement, il ne verra aucune différence entre une Duplex première génération en Gare du Nord, et une EuroDuplex « Océane » en Gare Montparnasse, ou une DASYE en Gare de Lyon. Pourtant, certains trains seront INOUI, d’autres pas. Et je ne parle même pas du temps de déploiement de l’identité visuelle INOUI, qui a fait cohabiter des rames de la même série, avec les mêmes équipements et services, mais pas forcément toutes estampillées INOUI. Cela impliquait notamment que certains trains soient commercialisés sous la marque TGV, et d’autres sous marque INOUI. Et cela a duré jusque tard, avec les trains inter-secteurs, passés sous pavillon TGV INOUI que (relativement) récemment. Tout cela, sans parler du cas du « croisement » opérationnel de deux rames, qui ferait qu’un INOUI se retrouverait assuré par une rame TGV pas au standing, et inversement. Peut-on faire plus flou pour le client ?

Oui. Le pompon reste à mon sens le lancement officiel du « TGV Atlantique 2017 » en Gare Montparnasse, justement en juillet 2017 (qui accompagnait la sortie de la nouvelle marque). Deux trains assurés en rames EuroDuplex s’y côtoyaient : un pour l’ouverture des dessertes à grande vitesse vers Rennes (et la Ligne à Grande Vitesse Bretagne – Pays de Loire – LGV BPL) et un en rames « Océanes » pour Bordeaux (par la Ligne à Grande Vitesse Sud Europe Atlantique – LGV SEA). Dans la précipitation et suite à l’ampleur du « bad buzz » de la « fuite », SNCF semble avoir fait machine arrière. Le logo INOUI vu sur les précédents concepts n’est plus. Enfin plus complètement. D’ailleurs, ne dites plus « INOUI » : dites désormais « TGV INOUI ». Non, vous ne rêvez pas, le lettrage « TGV » a bien été rajouté, y compris dans le logo sur les trains : un petit lettrage en police Avenir, mais un « TGV » quand même. Et au passage, le mot « INOUI » est légèrement revu, plus épais et plus rond.
Pirouette cacahuète.


Reste que si les rames 860 et 863, qui ont assuré le premier train Paris > Bordeaux via la LGV SEA, étaient bien marquées du logo TGV INOUI (et joliment d’ailleurs, avec un énorme logo sur la remorque bar de la 860- ce qui était du plus bel effet pour annoncer comme il se devait, la marque en GRAND -), les rames 812 et 819 qui ont assuré le premier train Paris > Rennes, ne l’étaient pas. Mais là, on pouvait espérer que la marque TGV INOUI allait alors être réservée à un certain « standing » de rames, avec les intérieurs Océane par exemple. Bon…le temps nous a vite montré que non, puisque toutes les rames sont progressivement passées sous pavillon TGV INOUI, au fil de leur équipement en prises, en wifi ou en livrée Carmillon.

Mieux ? Allez !
Avant l’inauguration de juillet 2017, la rame 860 s’est baladée pendant quasiment 2 mois avec de beaux logos…INOUI. Pas le logo TGV INOUI, mais bien le premier logo INOUI tel qu’il était sorti quelques semaines plus tôt. Preuve, s’il le fallait, qu’il était bel et bien prévu initialement de supprimer le lettrage TGV, et que son ajout était bien un gros rétropédalage face à l’ampleur de la polémique. Cela a été modifié par la suite, mais je ne vous cache pas que ça m’a longtemps fait sourire… Et encore aujourd’hui, face à la situation de crise de communication rencontrée, je ne comprends pas comment cette rame a pu circuler ainsi quand on voit la rapidité avec laquelle SNCF a fait machine arrière…


Dans l’absolu, renommer TGV en « INOUI » ne me pose pas tant de problèmes (aujourd’hui, je n’aurais pas dit cela en 2017), si et seulement si, quelque chose justifie une bascule de marque aussi radicale. Si le produit INOUI est drastiquement différent du produit TGV, je ne vois pas d’inconvénient à un changement de nom aussi important. Effectivement, d’un point de vue communication et marketing, oui, c’est moderne, audacieux, osé, culotté de s’attaquer au géant qu’est TGV. Mais il faut que le produit le reflète. On ne peut pas prendre les mêmes trains, changer simplement quelques logos, et dire que c’est un nouveau produit. Même l’emballage ne changeait pas. Alors soyons sérieux… Certes, le déploiement accompagnait de nouveaux intérieurs sur Paris <> Bordeaux, mais quid des axes où le déploiement s’est poursuivi avec des rames différentes : Paris <> Lyon, Paris <> Strasbourg ??

Pourtant, de nombreuses marques ont vécu des « re-brandings », jusque dans l’agroalimentaire, et dans la plupart des cas, sans changement d’offre (sans nouvelle recette par exemple). Cela étant, dans ce cas, les changements ont été accompagnés de campagnes de communication et de publicités, qui amenaient un storytelling, des éléments de langage (comme on dit dans la com’) ou juste une sensibilisation du client « votre produit change de nom, mais pas de panique, rien ne change à l’intérieur ! ». Je vous invite d’ailleurs à lire l’article en lien juste au dessus du blog « L’ère de la Com » qui traite du re-branding « Bio » en « Activia » de Danone. Et on montre bien d’ailleurs que dans ce cas, si le nom change, l’univers visuel reste intact pour permettre au client de « lire » la stratégie. Cette communication doit avant tout être explicite pour le consommateur. C’est primordial pour qu’il s’y retrouve.
Là, dans le cas de SNCF avec TGV, c’était tout différent : on gardait les mêmes codes visuels avec de nouveaux logos, mais on nous expliquait au contraire qu’INOUI était quelque chose de nouveau !
J’y vois malgré tout un autre élément, qui n’a pas du tout été perçu à l’époque, c’est que « TGV » est entré dans le langage courant, on l’a déjà dit plus haut. Et cette appellation, pourtant initialement désignant un produit pur SNCF, se retrouve utilisée à toutes les sauces pour parler de n’importe quel train à grande vitesse. Avec l’arrivée de la concurrence et la multiplication des offres sur les marchés de l’open access (dont la Grande Vitesse), garder le nom « TGV », c’était aussi prendre le risque qu’il soit assimilé, dans l’esprit commun, aux produits de tous les concurrents, et au final que plus personne ne s’en démarque. S’il y a bien une chose qui peut énerver sur les réseaux sociaux, c’est quand un article de presse relate de déboires rencontrés par un train à grande vitesse concurrent de SNCF, en le nommant pourtant « TGV ».


En se plaçant dans leur intérêt, SNCF et TGV pâtissent donc des déboires des autres compagnies (et inversement). Pour pallier cela, on peut voir 2 solutions :
- Travailler avec les communicants et journalistes pour que l’appellation « TGV » ne soit pas utilisée à tire-larigot, au profit d’une appellation générique comme « Train A Grande Vitesse – TAGV ».
- Changer le nom du produit SNCF pour qu’il ne comprenne plus le lettrage TGV et que ce dernier ne soit plus utilisé (en restant tout de même propriété SNCF). Cela empêche de cette façon d’entretenir un terme dans l’inconscient des gens, et de diminuer le risque qu’il soit faussement assimilé.
Il va devenir important que chaque compagnie crée sa force de frappe avec une marque puissante qui se distingue des autres. Je pense qu‘il n’est dans l’intérêt de personne que l’appellation « TGV » reste un terme générique pour tout train à grande vitesse :
- SNCF ne souhaiterait sans doute pas voir les produits de ses concurrents être appelés comme les siens, ni pâtir des erreurs de langage dans la presse, et potentiellement de retombées issues d’infos mal véhiculées.
- Quel aveu d’échec irritant ce serait pour une compagnie concurrente, si le public préfère un terme générique emprunté à la compagnie qu’elle est venue concurrencer, à la marque qu’elle tente pourtant d’installer…
L’un dans l’autre, gommer le nom « TGV » dans le langage courant semble indispensable. TGV doit avoir un nouveau nom commercial « neutre ». Vu comme ça, ça peut se comprendre. Mais cet argument n’a jamais été pleinement explicité. Je ne sais pas s’il est véridique, mais si c’est le cas, je trouve cela dommage. Maintenant, dans la crise du « buzz » du nom INOUI, pas le temps de s’épancher sur ce genre de choses : il faut réagir vite et au mieux. Pas le temps d’apporter des éléments de compréhension, que personne ne prendrait la peine d’essayer de comprendre de toutes façons, sous le coup de l’émotion.
Vous allez sans doute me dire que je radote, mais je trouve quand même que quand on raconte une réelle histoire, on accompagne mieux le changement. Quand on motive, quand on donne du corps à quelque chose qui évolue, on le rend plus légitime et crédible. C’est tout ce qui a manqué, à mon sens, dans le lancement de TGV INOUI. Je risque de ne pas me faire trop d’amis en disant cela, ce n’est pourtant pas faute d’avoir une vraie sympathie et un réel respect pour les femmes et les hommes derrière ce lancement, parce que oui, je reste convaincu que renommer TGV en INOUI était finalement une bonne idée, mais sans doute pas à ce moment-là ni de cette façon. Voilà, c’est dit.
Un lancement à la hâte ?
Pour que ce lancement soit cohérent, il aurait fallu (à mon sens) plus de rupture avec l’existant sous le blason TGV. Les rames EuroDuplex avec intérieurs « L’Océane » lancées sur l’Atlantique étaient une belle occasion, c’est vrai. Mais encore une fois, qu’extérieurement le train soit semblable en tous points aux autres rames estampillées « TGV », décrédibilise et nuit complètement au nouveau produit. Oui il y a de nouveaux intérieurs, un bar complètement nouveau, oui. Mais à quai, en gare, vous ne ferez aucunement la différence entre une EuroDuplex Océane sur une voie, et une simple rame Duplex en livrée Carmillon sur l’autre. Impossible donc de créer un produit immédiatement reconnaissable pour le client, qu’il puisse ensuite assimiler à un niveau de confort, à des services…

Un changement de livrée radical ? Une identité TGV INOUI plus forte et assumée dès le départ à l’image de celle créée pour OUIGO ? Ce sont autant de points qui auraient permis de voir une réelle rupture stratégique et de positionnement de la marque. Et donc, de mieux comprendre le produit et ainsi le changement de nom. Oui ça aurait coûté plus cher, mais ça aurait été plus progressif, le temps que tous les trains soient au standard. SNCF créait un univers de marques, dicté par sa gamme de produits et de sites, autour du « OUI ». On passait à la base de « TGV » tout seul, à « TGV + OUIGO », puis à « (TGV) INOUI + OUIGO » avec la volonté de faire de TGV INOUI un haut de gamme. Sur le fond, c’est tout à fait compréhensible. TGV n’avait pas forcément de placement « haut » ou « bas » de gamme : le produit devait donc convenir au plus grand nombre. Cela avait pu donner naissance à iDTGV notamment, puis à la tentative de TGV Pop, qui consistait à ne faire circuler un train qu’en ayant l’assurance qu’il serait rempli. TGV avait un positionnement assez général et vaste, que OUIGO est venu « tronquer » pour la partie low-cost. Même si l’ambition de OUIGO était d’attirer vers le train de nouveaux voyageurs sans manger de clients à TGV, il y a (quand même) fort à parier sur le fait que OUIGO a dû reprendre les clients qui visaient les plus petits prix de TGV. Finalement, l’arrivée de OUIGO a surtout permis de proposer bien plus de places à prix attractifs, au bénéfice du client, qui avait le choix du prix en fonction des services dont il a besoin et envie. Avec une couche de yield management par-dessus – ou « tarification dynamique » – certes, mais quand même. Naturellement, le placement commercial de TGV s’est légèrement déplacé vers un peu plus haut de gamme. Mais je comprends que le produit ne correspondait plus forcément autant qu’avant, à la clientèle restante. Les gens qui voulaient purement un voyage à bas prix se sont normalement dirigés vers OUIGO, et les gens qui justement ne voulaient pas d’un voyage en OUIGO se tournent vers TGV INOUI. Il faut dire que OUIGO pouvait renvoyer l’impression d’une rame à l’image de l’ambiance « zap » des anciens iDTGV, où le voyage serein et calme n’était pas forcément maître mot. On a donc avec TGV INOUI, une image de voyage plus calme, avec plus de services que sur OUIGO (bar, deux classes…), avec la possibilité d’avoir du wifi et des prises pour tout le monde. En un mot : un meilleur « standing ». Et c’est là que je comprends la façon dont le standard TGV INOUI a été établi à l’époque. Même si je trouve cela bien maigre pour se généraliser à l’ensemble du parc, la démarche reste entendable : rendre TGV INOUI et OUIGO complémentaires. Dans le fond, c’est logique pour que les produits ne se cannibalisent pas (trop).

Reste que je persiste et signe sur le fait qu’à mon sens, TGV INOUI ne se démarquait pas assez de TGV. L’image du produit n’était pas assez forte et étendue à l’esthétique du train ou aux services (et des vrais, pas une simple commande en ligne au bar…). Quand, à côté de cela, on entend sur les quais de gare à la descente d’un OUIGO que « c’est quand même bien ces trains OUIGO, tellement mieux que les trains de la SNCF ! », ça fait réfléchir. Oui, OUIGO a été une marque tellement forte qu’elle a même réussi à gommer sa filiation avec SNCF. Mais tout compte fait, ce n’était peut-être pas si dénué de sens pour permettre à la nouvelle marque de se lancer sans pâtir d’un héritage négatif de l’image SNCF. TGV INOUI a eu le comportement complètement opposé. Même si les logos SNCF se sont retrouvés remplacés par des logos TGV INOUI, tout sur le train rappelait l’image de SNCF, comme sur TGV, à cause de l’utilisation de la livrée institutionnelle Carmillon. Il semble donc très difficile de lancer une marque « nouvelle » en rupture avec le passé sans s’en détacher et en reprenant tout de l’ancien. Et là, je comprends la volonté de s’affranchir des lettres TGV. Avec le recul et l’analyse de toute la situation, je finis par me dire que notre accueil glacial de la marque INOUI a sans doute contraint à un adoucissement de la stratégie, ce qui a contribué à ce flou artistique. Attention, je ne dis pas que tout a été dicté par ce bad buzz. L’idée de base de prendre les mêmes trains et de changer les logos pour vendre le produit comme une révolution est, toujours à mon sens, la pire idée à avoir. En revanche, profiter du lancement de 2 lignes à grande vitesse, de rames neuves aux nouveaux intérieurs esthétiquement radicalement différents de ce que l’on a connu, avec du Wifi, avec une image de produit forte et offensive, avec un design des trains complètement différent, là, je pense qu’on aurait pu y croire, au train « INOUI », sans le lettrage TGV. Les rames EuroDuplex aux intérieurs « Océane » auraient très bien pu servir de support au lancement de la marque INOUI en l’y cantonnant. A la condition sine qua non de leur appliquer une décoration extérieure totalement nouvelle aux codes esthétiques INOUI. Il aurait ensuite fallu tabler sur un déploiement au reste de la flotte, au fil des rénovations intérieures/extérieures. Ça aurait été long, mais au moins, cohérent.
Attention, quand je parle de « design des trains complètement différent », je ne fais pas uniquement référence à la livrée extérieure du train, mais aussi à sa forme. La meilleure façon, selon moi, de lancer une marque INOUI légitime et de lui donner les moyens dont elle aurait eu besoin pour ouvrir une nouvelle ère, aurait été d’attendre un produit complètement nouveau, tant techniquement, qu’esthétiquement, qu’en matière de services. En gros, si on a un nouveau train sous tous les aspects, on y croirait nettement plus ! Et là, vous devriez me voir venir !


Et oui, je crois fondamentalement que s’il y a UN train qui pouvait accompagner le lancement d’une telle “révolution”, c’était un train lui-même révolutionnaire, et donc, le TGV du futur, au nom de code de « TGV2020 ».

TGV2020, TGV-M, TGV INOUI 2025, nouveau TGV INOUI…le changement dans la continuité ?
Avec la perspective de ce nouveau train, que l’on imagine révolutionnaire (dans le sens où il tire profit d’un héritage technique de plus de 40 ans en matière de Grande Vitesse, en conservant tous les grands principes de conception, mais réinventés au goût du jour), c’est finalement l’idée même du re-branding de TGV en INOUI qui transparaît. La démarche semblait en fait bien similaire : se réinventer pour être plus juste et plus pertinent, en phase avec son temps, être percutant. Son nom de code : TGV2020, à prononcer « vingt / vingt », pour « 20% plus capacitaire, 20% moins cher », les deux objectifs initiaux du projet. Finalement, le projet devient « TGV-M », pour sa modularité, et les nombreuses déclinaisons du M consignées dans un manifeste :

Le grand public et la communication générale sur le projet n’auront principalement retenu que la Modularité comme symbole de ce « M », mais ce sont pourtant bien ces 6 valeurs que le train porte. C’est une réelle identité que le train trouve par le nom de « TGV-M », là où « TGV2020 » était plutôt un nom de projet technique, et où le « 2020 » pouvait, à tort, laisser sous-entendre une potentielle date de mise en service en 2020. Une belle faute de goût qu’on reproduira pourtant quelques années plus tard… Et puis entre nous, chaque génération de TGV a toujours eu son petit diminutif : TGV PSE, TGV A, TGV R, TGV D, TGV2N2… TGV-M s’inscrit donc parfaitement dans cette lignée pour donner au petit nouveau, une place dans la famille TGV. D’ailleurs, soit dit en passant, l’appellation « TGV » demeure bel et bien dans ce nom, mais prend depuis le re-branding en TGV INOUI, une connotation plus technique que commerciale : TGV-M est bien de la famille des TGV, d’une lignée de plus de 40 ans. Et ça, ça se tient. Au fond, c’est ça le TGV : une famille, une race de trains comme aucune autre, qui partage un héritage humain, technique et commercial, qui a grandi et évolué au fil des années. Et je pense que c’était ça, que certains ont essayé d’exprimer lors du bad buzz « INOUI » : un TGV, quel que soit son nom commercial, restera un train de la famille technique des TGV.

Nouveau rebondissement en 2024 lors de la Paris Design Week, où SNCF Voyageurs présente les sièges et la lampe qui équiperont les rames TGV-M. Et là, oh surprise, il n’est plus fait mention de « TGV-M », mais désormais de… TGV INOUI 2025. Alors là, si vous commenciez à vous y retrouver entre les différentes appellations, vous devriez être logiquement un peu perdus.
Et je dois vous avouer que je l’ai aussi été… Là, plus question de technique. Ce train, que l’on nous annonçait comme « pensé pour TGV INOUI et OUIGO », se rapprochait d’un aspect purement marketing du produit TGV INOUI. En décortiquant un peu les éléments de langage que l’on pouvait lire à l’exposition et dans les différents documents qui la présentaient, on comprend que ces intérieurs symbolisent une ambition « TGV INOUI 2025 ». A considérer alors plutôt comme un programme, un cap, un objectif à atteindre, plutôt que comme une nouvelle dénomination technique du train. A comprendre comme « voilà notre ambition avec ce train qui entrera en service en 2025 ! ». Faux-pas stratégique, pour le coup, de projeter une année de mise en service dans une dénomination commerciale… On n’avait visiblement pas compris avec “TGV2020”…

Mais bref, passons, tout cela n’est que très implicite, et la nuance est loin d’être évidente pour le public, interne comme externe. Alors TGV-M ? TGV INOUI 2025 ? Ou autre chose ?
S’il faut bien admettre quelque chose, c’est qu’en parallèle de ce mélange d’appellations de la future génération de TGV, la marque TGV INOUI s’est forgée une image un peu plus marquée avec le temps. Le « O” identitaire de TGV INOUI et sa teinte framboise « FrenchBerry » se répandent dans les gares, dans les communications, dans les pictogrammes et affiches à bord des trains, sur les applications et portail wifi… Mais toujours pas SUR les trains, où la décoration institutionnelle SNCF « Carmillon » s’étiole petit à petit. En effet, la tenue dans le temps des éléments pelliculés en dégradé Carmillon (Carmin + Vermillon) est plus que médiocre, avec des pigments rouges sensibles notamment aux UV, ce qui donne un air bien délavé au parc Grande Vitesse. Pas top pour une marque « haut de gamme » … L’idéal serait quand même de pouvoir se passer de pelliculage, et de revenir à des techniques de peinture. Sauf que les dégradés sont très complexes à peindre. On préfèrera alors une teinte en aplat de couleur, et dans l’idéal une couleur qui soit à la fois unique à TGV INOUI (en tous cas au début), et en même temps un mélange de carmin et de vermillon. Typiquement, une sorte de couleur rouge framboise. L’idée est toute trouvée, la flotte TGV INOUI adopte petit à petit le FrenchBerry en lieu et place du Carmillon : sur les bandes de nez du train, sur les portes d’accès, et même jusqu’au logo SNCF Voyageurs, puis au logo TGV INOUI qui change pour devenir monochrome (FrenchBerry ou blanc selon la couleur du support). L’ensemble est plus moderne, plus actuel, plus propre aussi. On arrive donc progressivement à une nouvelle mutation de l’esthétique des trains, qui adoptent très lentement une image qui se détache (enfin !!!) du Carmillon institutionnel SNCF, pour se focaliser sur les codes propres à TGV INOUI. De quoi promettre de beaux jours à une marque qui aura tout intérêt à transformer l’essai sur la toile vierge qu’est encore TGV-M. Du moins, c’est ce qu’on espérait…

Je vous fais grâce des variations de la livrée Carmillon sur le matériel TGV (et parfois même entre les différentes séries), tantôt à appliquer des logos SNCF à côté des portes, tantôt à les retirer sous l’ère PEPY au profit de lettrages « TGV », puis à revenir aux logos SNCF puis SNCF Voyageurs sous l’ère FARANDOU. On passera sur les logos SNCF en bas de motrice côté tronçon sur les rames POS et TGV PLT. On passera aussi sur les nombreuses variantes autour de la porte de la remorque BAR. BREF ! Faire et défaire, c’est le chemin de fer, dit-on…

J’ai déjà un peu vendu la mèche, mais beaucoup auront vécu comme un coup de grâce, la révélation du TGV-M en livrée commerciale TGV INOUI, en 2024 à Belfort. Au passage, on revient à une appellation « TGV-M », sans doute à l’approche de l’annonce des retards de mise en service, qui n’aurait alors pas lieu en 2025. « LOL ». Oui, c’est beau de faire le marketing d’un train par son année espérée de mise en service, mais en cas de décalage, tout s’écroule et on perd en crédibilité. Une fois de plus. Et autant vous dire que c’est ce qu’il s’est passé, puisqu’on commençait à entendre parler d’une mise en service fin 2025 voire début 2026…
Bref, sur ce train, on s’attendait à des codes TGV INOUI forts et assumés, on pouvait espérer transformer l’essai et saisir l’occasion pour donner à TGV INOUI l’opportunité de s’exprimer ENFIN pleinement et de se détacher des codes SNCF. Je pense que nous étions beaucoup à être impatients. Et on nous présente…un train pâle, à base de blanc, de gris clair, et de beige clair. Du FrenchBerry ? Seulement sur les portes d’accès, sur les logos TGV INOUI (dont un énorme en motrice qui semble être là juste pour occuper l’espace, façon Ile de France Mobilités) et SNCF Voyageurs en petites touches. Et…c’est tout. Point de « O » identitaire de la marque, un storytelling basé sur l’eau et les vagues qui semble un peu artificiel et certes assimilable au voyage, mais finalement très peu au ferroviaire. Alors qu’on nous a fait monter la « hype » pendant des mois sur cette nouvelle livrée « sensationnelle », je crois que nous avons tous eu un gros effet « tout ça pour ça ». Et je ne parle même pas de cette immonde tâche noire sur le nez du train. Pardonnez-moi pour ce terme péjoratif, mais j’insiste sur le fait que cette faute de goût ruine littéralement la lecture du travail de design qui a été fait par Alstom sur le nez. A quoi bon nous rabâcher les progrès géniaux de ce train en matière d’aérodynamique, si on l’affuble d’un masque noir. C’est bête, le nez noir est quasiment le seul élément repris de la livrée Carmillon, et c’est le plus moche. Encore une fois, raté, et rageant, SNCF Voyageurs semble louper (volontairement ?) le coche et ne pas se donner les moyens d’aller au bout d’un processus qui a pourtant fait ses preuves et permis à OUIGO de se frayer une place dans le quotidien des français. Et bon sang, ce blanc… N’a-t-on rien appris de la livrée Carmillon et du blanc ultra salissant sur nos trains ? Oui, nos voisins allemands ont une flotte quasi immaculée, mais à défaut de pouvoir maintenir nos trains propres, ne pouvait-on pas opter pour d’autres teintes ? Bon, c’est vrai, je suis mauvaise langue, le nez du train est maintenant beige. Oui, oui. Beige. Tellement clair façon “crasse” qu’il semble déjà sale alors qu’il est neuf. Pourtant, en gardant les mêmes gammes de couleurs (gris/beige + FrenchBerry) mais en les prenant un “chouïa” plus soutenues, on pouvait tout à fait arriver à quelque chose d’élégant, dynamique, qui véhicule (littéralement) un sentiment de confort, de sécurité, d’apaisement, de calme… et avoir un motif au contraste permettant sa lecture, tant à l’arrêt qu’en mouvement !

Mais pas de panique, les « éléments de langage » arrivent : la livrée est volontairement claire pour permettre au train de moins absorber le rayonnement du soleil, et donc de moins emmagasiner la chaleur, ce qui a pour effet de moins solliciter la climatisation du train.
Habile, Bill.
Bon, techniquement, c’est pas faux. On l’a bien fait sur OUIGO Espagne. Donc à la rigueur, pourquoi pas. Hormis cela, on trouve un motif général de vague, qui ne m’est bizarrement pas totalement inconnu (je serais curieux de connaître la source d’inspiration que SNCF Voyageurs a fournie à AREP et Nendo…).
Gros bémol, de par la proximité colorielle des trois teintes majoritairement utilisées (blanc, gris et beige), la vague est complètement illisible dans 80% des situations d’éclairage. Dommage… La marque TGV INOUI ne s’exprime que par des logos et les portes FrenchBerry. Et c’est tout… Encore une fois, sans identité affirmée et exprimée sur le train, ça ne raconte rien. Mais bon, vous comprenez, c’est du design japonais, alors c’est forcément bien !
Rétropédalage sur l’identité TGV INOUI…?
L’argument « écolo-greenwashing-économique » s’entend, malgré tout. Reste qu’à l’heure où le train est aussi commandé par d’autres entreprises ferroviaires concurrentes, SNCF Voyageurs, qui devra se démarquer justement par le visuel pour que son train soit reconnaissable parmi les autres, joue la carte de la discrétion sur un marché pourtant relativement offensif. Vous me direz, le train sortira de toutes façons du lot par sa pâleur et son manque d’originalité, mais je ne suis pas certain que cela soit une approche très méliorative et vendeuse… Mais SNCF sait ce qu’elle fait, elle le fait en tous cas en toute connaissance de causes. Je ne suis pas sûr non plus qu’un opérateur comme Velvet/ex-Proxima (au pif) se contente d’une identité visuelle aseptisée qui se fonde dans la masse. Mais cela n’engage que moi. Reste que ce train va sans doute se généraliser sur la scène ferroviaire française, et que l’opérateur historique se fasse discret, est aussi assimilable au fait de se reposer sur ses lauriers, sans chercher à assoir une quelconque position, ni entrer dans le jeu de la concurrence.
Autre petite réflexion qui me vient en passant…

J’espère sincèrement, personnellement que SNCF Voyageurs n’aura pas « l’audace » de décliner son TGV-M à un autre produit aux couleurs plus foncées. Par exemple OUIGO, si vous voyez ce que je veux dire… Jusqu’à preuve du contraire, le bleu absorbera bien plus de rayonnement que le blanc. Dans ce cas, je me demande non sans une certaine ironie caustique, si cela laisserait alors sous-entendre que le low-cost n’a pas le droit à la même ligne directrice eco-friendly ? Ce serait pourtant totalement contradictoire, puisqu’un train qui consomme plus, a un coût de revient plus important, donc avec la répercussion que l’on imagine sur les prix de billets. A moins que l’on adopte une esthétique semblable à celle de OUIGO Espagne, avec des trains majoritairement blancs, pour cette même raison… Mais ce serait une pure supputation de ma part…

Pour étayer plus sérieusement mon propos, le coefficient de réflexion solaire (aussi appelé Albédo) caractérise la capacité d’une surface à réfléchir le rayonnement solaire. Une peinture brillante, par définition, renverra plus de lumière qu’une peinture matte. Mais au-delà de l’aspect, la teinte en elle-même influe sur l’albédo.
Une peinture très claire aura un albédo de 80 à 100% (blanc) : la quasi totalité du rayonnement reçu sera réfléchie. C’est ce que l’on nous vend comme argument pour justifier la livrée « claire » (pour ne pas dire « inexistante ») du TGV-M. Et c’est vrai, en moyenne, une teinte claire comme cela n’absorberait que 10% du rayonnement, renvoyant les 90% restants. Cela évite un « effet de serre » dans la rame, qui devrait nécessairement être compensé par les équipements de climatisation (qui seraient très sollicités, chaufferaient, réduisant au bout du compte, leur durée de vie). Donc ça, pour le coup, c’est plutôt un très bon point ! Factuel, réel, rien à redire.

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En revanche, à titre de comparaison, un bleu « façon OUIGO » pourrait se rapprocher, sur l’image ci-dessus, de ce que l’on aperçoit en quatrième position de la seconde ligne. Dit autrement, en case « D2 », ce bleu a un albédo de seulement 30%. Et c’est parfaitement logique ! En d’autres termes, une teinte comme en D2 absorbe environ 70% du rayonnement et ne renvoie seulement que 30% restants.
Une teinte claire renvoie en moyenne 90% du rayonnement. Un bleu « OUIGO » en renvoie 30%. En renvoyant 3 fois moins de rayonnement qu’une peinture claire, c’est donc qu’elle en absorbe beaucoup plus, en l’occurrence, ce bleu absorberait les 70% complémentaires du rayonnement, contre seulement 10% pour un gris/beige pâle, soit SEPT fois plus.
D2, touché, coulé.
Et ne me sortez pas l’argument contradictoire d’un « bleu OUIGO brillant pour renvoyer plus de lumière et faire baisser l’albédo », car dans ce cas là, RIEN n’empêchait d’avoir des teintes plus sombres, également brillantes, pour TGV INOUI.
Si toutefois cela arrive, on aura alors confirmation que l’argument de la sollicitation des groupes de climatisation sera un simple élément de langage construit de toutes pièces, pour justifier un manque d’ambition esthétique (et certainement une économie sur la livrée commerciale, malgré l’abandon du pelliculage au profit de la peinture totale des caisses). Finalement, ce « storytelling » aura été créé après la conception pour tenter de le justifier/légitimer, devenant un simple argument de communication, au lieu d’en être à l’origine. Dommage, une fois de plus.

Mais je spécule, si cela se trouve, il n’existera jamais de TGV-M aux couleurs bleues de OUIGO, et j’aurais alors été bien mauvaise langue… L’avenir nous le dira !
Bref, hormis d’énormes logos TGV INOUI sur les motrices, on assiste quand même sur TGV-M à un effacement des codes identitaires forts de la marque. Le FrenchBerry aurait dû être omniprésent, élégant. Les couleurs secondaires auraient pu/dû ponctuer les intérieurs, alors que la marque commençait vraiment à se faire une place. Dans les communications, les gares, et sur les médias numériques, la marque semblait avoir atteint une certaine maturité visuelle et avoir trouvé sa place dans l’écosystème des produits et identités du Groupe SNCF.

Cela a aussi tendance à se répercuter ailleurs, notamment sur le logo TGV INOUI. C’est peut-être passé inaperçu, mais le logo TGV INOUI a bien évolué depuis sa création. Passé de versions polychromes à deux versions monochromes (FrenchBerry ou blanc), pour permettre sa mise en peinture sur les trains en remplacement d’autocollants, sa dernière petite évolution est pour le moins…surprenante.

11 mars 2025, présentation du TGV-M en version commerciale à quelques poignées de journalistes et d’invités. Un détail a peut-être échappé à une majorité : le logo TGV INOUI a encore changé. Alors…pas sur le train (on y reviendra…), mais dans tous les documents édités depuis début mars 2025.
Je ne sais pas si une étude a été diligentée pour conclure à ce qui donne lieu à cette modification, mais je trouve cela « amusant » dirons nous. Désormais, dans le logo TGV INOUI, le lettrage « TGV » est écrit…en gras.

Eh oui. Viendrait on de découvrir que les français sont attachés au « TGV » ? Près de 10 ans après son lancement, c’est comme si l’on cherchait à effacer les traces d’INOUI pour remettre en avant TGV. On commence par déjà estomper les codes visuels forts de la marque sur le nouveau train, alors qu’ils venaient vraiment d’acquérir une certaine maturité, et on fait reprendre un peu de poids à TGV face à un INOUI délicatement affaibli. Là où on voit un produit OUIGO fort et stable, TGV INOUI semble manquer d’assurance, et toujours se chercher 10 ans après sa création. Pourtant les deux produits ont été créés par les mêmes équipes à l’époque chez SNCF.
Alors qu’est-ce qui a changé ?
Une bonne partie des équipes créatrices de OUIGO puis INOUI ont depuis quitté le navire. Ce n’est un secret pour personne, Rachel PICARD, qui était alors à la tête de Voyages SNCF, qui a créé et lancé OUIGO puis ce qui est devenu TGV INOUI, est depuis à l’origine de la création de Velvet, une entreprise ferroviaire qui se positionnera en concurrence de SNCF Voyageurs, sur le créneau de la Grande Vitesse, avec un produit basé sur l’Avelia Horizon d’Alstom. Ce nom vous dit quelque chose ? Normal, c’est le produit « Alstom » qui est commandé par SNCF Voyageurs sous le nom de…TGV-M, dont la co-conception a été initiée chez SNCF du temps de ces équipes. Le lancement de OUIGO a été excellent, et a permis aux équipes de maintenir un cap et une cohérence jusqu’à leur départ, donc pendant des années, ce qui a permis à OUIGO de trouver sa place et de construire sa force. On ne peut pas en dire de même pour TGV INOUI. Le départ des équipes créatrices semble avoir mis un « stop » à la dynamique. C’est l’inconvénient de ces choses-là : quand les créatifs quittent le navire, il est très difficile de maintenir un cap. Mais dans l’intérêt d’une marque, c’est pourtant nécessaire. OUIGO, INOUI, la conception du TGV-M, tout cela a été initié et/ou concrétisé par les mêmes personnes dans ce qui semble être un ensemble cohérent. Et j’imagine que la volonté initiale pour INOUI était la même que pour OUIGO : permettre un accompagnement pendant des années, pour envoyer la marque sur la rampe de lancement et lui permettre de monter en puissance.

Sans rejeter la faute sur les personnes qui sont parties, je pointe surtout le fait que les nouvelles équipes n’ont vraisemblablement pas su maintenir un cap stable, et c’est toute la dynamique initiée par les précédentes qui est retombée. Maintenant, on a l’impression que TGV INOUI traverse une période d’instabilité, de trouble pour retrouver un cap. Sans mauvais jeu de mots, y a-t-il eu un pilote dans l’avion ?
…pour finalement plus de cohérence, ou pas…?
Je résume. On revient sur les codes que d’autres ont essayé d’affirmer plus tôt avant de quitter le navire, on découd et on refait différemment, à l’image des nouvelles personnes aux commandes. On change de cap en cours de route. Et finalement, entre nous, je réalise en écrivant ces lignes, que ça ressemble quand même bigrement à vouloir faire oublier les anciens en essayant d’imposer autre chose à l’image des nouvelles équipes. Du moins, on ne s’y prendrait pas autrement qu’en effaçant leur travail ou en revenant sur des marqueurs forts, pour prendre leur contrepied. Dommage quand cela passe par un désamorçage de la marque. En tous cas, ce n’est décemment pas dans l’intérêt du produit, ni du client qui est abreuvé de changements, qu’il a bien du mal à suivre. Et ça entretient un flou artistique, une non-homogénéité des productions, des non-conformités en masse dans les prises de parole, des chartes graphiques qui se côtoient… Et comme par hasard, on fait reprendre du poids à « TGV » face à INOUI, comme pour faire oublier la volonté initiale de supprimer ces 3 lettres. Au passage, on revêt le gentil rôle de ceux qui remettent TGV en avant, en faisant ainsi mine d’enfin faire ce que tout le monde voulait. Alors oui, certes…mais c’était il y a 10 ans…
Bon, tout cela me semble finalement assez clair comme démarche, et l’idée n’est pas de tirer sur qui que ce soit, juste d’essayer de comprendre l’ordre des choses. Quand une équipe s’en va monter une entreprise concurrente, effectivement, ça pique un peu, alors on peut essayer de vouloir se détacher de leur image, se défaire de leurs noms, quand bien même leurs apports étaient sur le point de fonctionner. On va dire que c’est humain, après tout…

Avec ce changement de logo pour TGV INOUI, c’est une nouvelle identité visuelle complète qui arrive. Le FrenchBerry reste tout de même présent. Le positionnement de TGV INOUI se cale sur le credo de « La grande vitesse à la française ». Le O reste l’emblème de la marque, mais se dérive aussi sous la forme d’un cercle plein intégré façon « bleu – blanc – rouge » dans les compositions. Dans le fond, ça se tient. C’est plutôt cohérent et élégant.
Le bar TGV INOUI devient « le Bistro » le 6 mars 2025, pour jouer la carte franchouillarde jusqu’au bout. Et c’est plutôt bien joué.

Du côté de la palette des couleurs, les teintes principales sont héritées des intérieurs du TGV-M : du bleu (venu de la Seconde classe) et du FrenchBerry (venu de la Première classe) sous plusieurs nuances, du jaune issu de la lampe qui sera disposée dans le train, et évidemment du blanc. TGV-M devient l’inspiration de TGV INOUI, et semble ENFIN revêtir le rôle de porte étendard de la marque. Plus symbolique encore, c’est la marque qui prend les codes de son fer de lance. Et ça, c’est bien joué ! C’est, ENFIN, ce qu’il fallait à TGV INOUI depuis le début. TGV-M et TGV INOUI ne font plus qu’un. La marque aurait-elle retrouvé son cap ? Sans doute. TGV INOUI pose ses nouveaux fondements sur un train en rupture et en réinvention avec le passé, fort de l’héritage du TGV, fierté et symbole français. « LE » TGV INOUI, c’est lui.
Alors, carton plein, tout est bien qui finit bien ?
Allez, on va dire que oui. Même si ça induit une nouvelle période de transition et d’adaptation aux nouveaux codes. Oui, encore, je sais. Parce qu’il va falloir du temps pour que ces nouveaux logos remplacent les anciens…y compris sur les premières rames TGV-M. A voir au fil des livraisons des rames, mais ce qui est sûr, c’est que les premières rames sorties d’usine portent encore le logo TGV INOUI avec un lettrage « TGV » fin…

Et soit dit en passant, les teintes utilisées sur la « livrée » du TGV-M ne sont pas, hormis le FrenchBerry et le blanc, comprises dans la nouvelle palette de couleurs de la marque… Ça aurait été trop beau, non…? J’imagine qu’ensuite, le but va être de monter le reste du parc au standard de la marque. Cela impliquerait de vivre une période de cohabitation des rames TGV INOUI actuelles à l’ancienne identité, et les rames TGV-M au nouveau standard, pourtant sous la même marque. Mais au moins, on va avoir un produit porté par TGV-M en rupture totale avec le reste du parc, y compris esthétiquement. Si toutefois les autres séries ne bénéficient pas de l’identité visuelle « façon TGV-M », alors je trouve vraiment dommage que le même nom de produit serve aux deux standings… On retomberait alors dans une sorte de flou, similaire à celui du lancement de la marque 10 ans plus tôt.
Quoi qu’il en soit, ce nouveau train était bel et bien ce qu’il fallait pour porter la marque TGV INOUI, pour lui donner les moyens de s’exprimer et de se distinguer. Et ça, je pense que SNCF, puis plus tard SNCF Voyageurs, l’ont toujours su. C’est juste tellement dommage d’avoir joué une carte « sobriété » dans une période où justement, les marques devront rivaliser de force et d’impact visuel pour être reconnaissables et identifiables pour les clients dans l’environnement concurrentiel. Alors c’est assumé certes, mais là encore, quelle est la part « d’éléments de langage » pour enrober les faits et enjoliver la réalisation d’un « storytelling » un peu creux ? Je n’affirme rien, je pose simplement la question.
En conclusion
Tout cela m’amène simplement à penser que le lancement chaotique d’INOUI a bridé son développement, et qu’involontairement, nous y avons tous pris part. Même s’il n’était sans doute pas prévu de profiter de ce re-branding pour modifier en profondeur l’esthétique des trains, par le biais des rames EuroDuplex aux intérieurs « Océane », l’accueil glacial rencontré par les équipes créatrices de l’époque a certainement contraint à limiter l’ambition du lancement de la marque. Pour éteindre le feu, pour éviter qu’il prenne des proportions plus importantes et porte préjudice à l’image de la marque, le rajout du lettrage « TGV » a sans doute été la meilleure réaction sur l’instant. En revanche ce bad buzz a sans doute tué la perspective d’un développement plus ambitieux : il aurait été inconscient de poursuivre les changements radicaux, et de se mettre tout le monde à dos. Donc je pense que l’ambition d’INOUI était loin d’être mauvaise, mais peut-être, en son temps, justement pas assez poussée par rapport au caractère « culotté » de la démarche. Ce sentiment finalement de demi-mesure, avec un produit simplement « re-brandé » a entretenu la confusion et une perception « creuse » par un public qui l’a pourtant en partie induite. Comme il n’y avait que le nom qui changeait (avec une promesse de wifi et de prises dans les deux classes), on a tous pensé que le problème que les équipes voulaient éliminer, c’était le nom « TGV ». Alors qu’en réalité pas vraiment. Je me dis que l’idée était sans doute de réorienter un produit INOUI en complément de OUIGO, au sein de la famille TGV. D’ailleurs, cela a donné la direction « TGV – Intercités » chez SNCF Voyageurs, qui gère les deux produits : INOUI et OUIGO. Si c’était bien ça le but de la manœuvre, alors elle a sans doute manqué de pédagogie et d’accompagnement. Mais comment voulez-vous accompagner le changement, « acculturer » comme on dit dans le milieu de l’entreprise, et faire preuve de pédagogie, quand vos plans font l’objet d’une fuite dans la presse qui, si elle est bien involontaire, vous détruit une bonne partie de votre stratégie ?
Maintenant, comme je le disais, ça a été rattrapé dans le nom de la marque. Finalement, l’ambition a été édulcorée pour correspondre au fait que l’esthétique des trains ne se décollait pas de l’image SNCF, tout en apportant une transition douce avec ce que l’on connaissait de TGV. J’ai l’impression en un mot qu’on s’est adaptés à la situation dans l’urgence et que ça a un peu coupé les ailes de ce qui était prévu. Impossible dans ce contexte de donner les moyens à une nouvelle marque de s’imposer comme elle aurait dû le faire.
Aujourd’hui, TGV INOUI a (re)trouvé un cap. Après plusieurs manœuvres qui laissent un sentiment de changement permanent pas toujours très maitrisé, la situation semble se stabiliser et s’assainir. Si je devais faire une seule critique à ce que l’on s’apprête à vivre, c’est (étonnamment) de ne pas en profiter pour devenir tout simplement INOUI. Comme c’était prévu au tout départ, et de faire de « TGV INOUI » une période transitoire permettant d’arriver au TGV-M et au plein essor de la marque INOUI, sans « TGV ». Mais là, c’est le sentiment d’une stratégie adaptée aux personnes qui la font, qui prédomine, et c’est vraiment dommage. Oui, INOUI (tout seul) aurait été connoté des noms qui ne sont plus aujourd’hui dans l’entreprise, oui, ça aurait été admettre que leur stratégie a payé, et s’avouer déjà à moitié vaincus (en tous cas sur le plan stratégique) par ceux qui seront de futurs concurrents. Oui, ça écorne un peu l’amour propre, sans doute. Mais dans la vie du produit, ça aurait été super cohérent. Au bout du compte, c’est encore le client qui va vivre une période un peu transitoire avec des cohabitations de logos et d’identités visuelles, voire de service si de nouveaux se développent. Toutes les rames n’ont même pas encore été modifiées avec les logos monochromes, que le logo TGV INOUI change pour passer “TGV” en gras. Bon entre nous, je doute que le parc soit modifié pour un simple problème de graisse du texte. Si toutefois c’est le cas, c’est qu’on a vraiment du temps (et des moyens) à consacrer à cela.
En revanche, si nous devions retenir une chose, c’est que demain, TGV-M devient bien le porte étendard de la marque TGV INOUI, qu’il incarne réellement “le nouveau TGV INOUI”. C’est désormais la marque qui s’adapte au produit pour former un ensemble cohérent, et la marque TGV INOUI qui transpire même jusque dans l’image de l’entreprise SNCF Voyageurs. On a vu que le logo TGV INOUI était passé d’un support adhésif polychrome à des mises en peinture monochromes sur les trains pour garantir une meilleure tenue dans le temps. Et à ce petit jeu-là, SNCF Voyageurs n’est pas en reste. Dans une démarche similaire de qualité/tenue dans le temps de ses enseignes et autres supports physiques, et pour se distinguer des autres marques utilisant la base de logo SNCF (donc pour le Groupe SNCF et SNCF Réseau), Voyageurs a choisi de peindre au pochoir ses logos sur ses trains, donc de leur choisir une version monochrome, ainsi que pour ses bâtiments. Au revoir le Carmillon, le logo SNCF Voyageurs devient ainsi blanc sur les supports foncés ou de couleur vive, et devient, sur les autres supports…FrenchBerry ! Aujourd’hui, ce n’est plus l’identité SNCF Voyageurs qui se décline chez TGV INOUI, mais l’inverse. Preuve de ses choix judicieux en matière d’esthétique et de stratégie, de la force et du poids de la nouvelle marque TGV INOUI…



