Il y a quelques mois, je vous partageais ma participation au concours pour habiller la rame d’essais SNCF du TGV M. Malheureusement, ma proposition n’a pas été retenue, mais j’avais envie aujourd’hui, pour clôturer l’aventure, de vous montrer une dernière fois mon envers du décor, ce qu’il y a derrière ce dessin. Allons décortiquer le côté « graphisme » du travail réalisé ! Vous me suivez ?
Il fallait d’abord bien entendu que je crée quelque chose qui me plaise et qui « vous » plaise, mais qui, avant tout, soit « conforme » aux attentes, donc aux critères de sélection, un peu comme un « cahier des charges » qu’il faut remplir, en allant au delà du simple « c’est beau », « c’est moche », « j’aime », « j’aime pas ». Il y a parfois des visuels que l’on n’apprécie pas forcément, mais dont on est bien forcés d’admettre qu’ils ont une certaine cohérence avec l’image d’une marque.
À en croire les résultats, c’est là que le bas blesse, ou en tous cas, que ma proposition ne donne pas assez l’effet « waouh ! », mais dans les grandes lignes pour cette ultime étape, cela se traduisait par le fait de répondre à ces questions qui étaient reprises dans le règlement du concours (et donc accessibles à tous) :
- « Cette création illustre-t-elle l’ambition de TGVM ? »
- « Cette création incarne-t-elle l’identité visuelle et les valeurs de SNCF ? »
Mais justement, une identité visuelle, c’est quoi ?
C’est un ensemble de règles qui dictent comment concevoir un dessin, un motif, une illustration, pour être en accord avec l’identité et les valeurs d’une entité, ici : SNCF. Tout est dicté, et peu de choses sont laissées au hasard.

Une palette de couleurs nous était donnée. Mais est-ce seulement ce que contient l’identité visuelle de l’entreprise ?
Pour le savoir, j’ai fait quelques recherches en cherchant « identité visuelle SNCF » sur mon ami Google. Et je suis tombé sur un super site internet, très complet à ce sujet : le site…SNCF (comme quoi, on ne se refait pas). Allez, pour être gentil, je vous insère dans le texte, tous les liens vers les pages publiques qui ont été utiles dans ma recherche, pour que chacun puisse se faire sa propre idée !
Le site de l’entreprise dispose en effet de toute une zone accessible au public, permettant de consulter les principales règles de son identité visuelle. Génial ! Même si je ne suis pas graphiste, je me suis quand même contraint un petit peu plus, en essayant de répondre à ce critère, et donc, en faisant quelque chose de « normalement » conforme à ce qui était exigé pour mettre toutes les chances de mon côté. Et dans l’absolu, n’importe quel agent, ou même simple ferroviphile, est ainsi en mesure d’imaginer des visuels complètement conformes. Ce n’est pas simple, je vous l’accorde, mais ça permet en tous cas de faire du tri dans ses idées, et ça permet de se challenger un peu, vous allez voir…
Alors, qu’apprend-on sur le site SNCF ?
Et bien déjà, concernant les couleurs (ici et là), on voit qu’on ne « mélange » surtout pas toutes les couleurs de la charte sur le dessin pour être dans le thème, même par petites touches. Au contraire, ça, c’est LE « fashion faux-pas ».
On nous demande :
« Sélectionnez les couleurs en fonction du support et des autres éléments que vous intégrez à votre composition. Essayez de ne pas utiliser trop de couleurs vives en même temps. »
« Veillez à ne pas associer trop de couleurs vives ensemble et choisissez plutôt une couleur dominante et ses variations. »
Dans mon cas, n’ayant que les palettes de couleurs SNCF et TGV INOUI (pas de palette OUIGO fournie), j’ai jeté mon dévolu sur le « French Berry » de cette dernière. Toujours concernant les couleurs, on nous dit ensuite :
« Utilisez également des teintes neutres comme le blanc ou le gris pour créer du contraste. »
« Les teintes neutres comme le blanc ou les gris doivent être utilisées pour faire respirer les messages, créer du contraste et améliorer la visibilité du message. Veillez donc à toujours associer des couleurs toniques à des teintes neutres comme le blanc ou les gris :
– Si le blanc ou les gris dominent, utilisez la couleur par touche
– Si une couleur vive domine, utilisez le blanc ou le gris en arrière-plan »
Parfait, j’ai donc créé un ensemble de couleurs issues de gris froid « Cool Gray » et d’un gris chaud « Warm Gray », avec du blanc et du Carbone, qui équilibrent mes pointes de FrenchBerry.
L’utilisation des dégradés est une idée qui m’est souvent revenue lors de mes premiers essais. Sauf que l’identité SNCF est relativement claire sur ce sujet :
« Les couleurs s’utilisent exclusivement à l’aplat, sans dégradé ni effets de texture. »
Bon, comme ça au moins, c’est fait… Sujet suivant !
Mais vous me direz ! SNCF est incarnée par un dégradé, du Carmin vers le Vermillon. Faites-en un seul mot et vous avez : le Carmillon. Alors, on devrait bien pouvoir l’utiliser, même si c’est un dégradé ! Non ?
Tout d’abord, les 2 teintes du Carmillon ne sont pas reprises dans les palettes de couleurs, mais en plus, l’identité SNCF est, là aussi, limpide :
« Le Carmillon est la couleur réservée à notre logo et au marquage de notre flotte. Elle ne s’utilise pas ailleurs. »
Si le passage « marquage de notre flotte » reste un peu vague, le Carmillon reste un sujet délicat, qu’on ne réserve qu’à des éléments bien particuliers. Du coup, j’évite le « total look » Carmillon.
Il reste encore un élément à traiter côté Identité SNCF… Le logo ! Oui, celui qui peut justement, et par définition, aborder le dégradé Carmillon, est également soumis à quelques règles…notamment de positionnement !

Le logo SNCF (comme celui de beaucoup d’autres marques, soit dit entre nous), doit r-e-s-p-i-r-e-r ! En un mot, on lui affuble une « zone de protection » : c’est une zone, autour du logo, d’une largeur égale à une demi hauteur de celui-ci, dans laquelle aucun élément visuel ne doit entrer. C’est un peu comme un passe-partout qu’on utilise en encadrement. Dit autrement, la taille et le placement du logo ne sont pas hasardeux quand on veut le mettre en valeur : choisir un emplacement où il pourra respirer avec sa zone de protection, tout en étant bien visible.
Toujours sur le logo, celui-ci existe en réalité en 3 couleurs : en Carmillon, en monochrome blanc et en monochrome « Carbone » (oui, on n’aime pas utiliser du noir, donc on utilise un gris très foncé). Évidemment, on ne va pas placer un logo Carmillon sur un fond rouge ou violet… On préfèrera plutôt la version monochrome blanche, par exemple. On veut qu’il ressorte de son arrière plan, et non qu’il s’y mélange.

Dans ma « création », j’avais donc logiquement opté pour des logos blancs, puisque celui de la face frontale allait se retrouver sur un fond de couleur forte, le FrenchBerry TGV INOUI. Le logo latéral, lui, se retrouvait sur un fond gris chaud (presque taupe), mais je trouvais que le placer en Carmillon ferait une autre touche de couleur différente, non dérivée du FrenchBerry, donc trop agressive à l’oeil, et un peu « pauvre » visuellement, pas très chic… Donc par souci d’unité visuelle, de modernité, de sobriété, et pour conférer un esprit presque « lounge », je l’ai lui aussi laissé blanc.
Mais justement, suis-je bête… On nous fournit la palette de couleurs SNCF, mais aussi la palette TGV INOUI. Cela voudrait-il dire qu’il existe aussi une sorte de charte graphique pour TGV INOUI ?

Oui.
Toujours sur le même site SNCF, on retrouve des sections dédiées aux mêmes règles pour les couleurs et le logo TGV INOUI.
Côté couleurs :
« Lorsque vous utilisez les couleurs de la palette, veillez à toujours combiner les couleurs identitaires (le French Berry, le Bleu INOUI et le Jaune INOUI) avec les couleurs neutres. En revanche, il est interdit d’utiliser les 3 couleurs identitaires ensemble. Enfin, le Jaune INOUI et le Bleu INOUI ne peuvent être utilisés sur le même support. »
Dit autrement, on ne combine pas les 3 couleurs fortes TGV INOUI. Idéalement, on en choisit donc une, que l’on harmonise avec des teintes neutres. Jusque-là, je ne dois pas être hors sujet. J’ai du FrenchBerry, et des nuances de gris.
Côté logo, celui TGV INOUI dispose également d’une zone de protection. Mais le sujet est vite traité me concernant, puisque j’ai choisi de faire référence à TGV INOUI uniquement par la teinte forte, par simple évocation implicite, sans apposer le logo de la marque. L’idée de ce design était aussi de véhiculer presqu’inconsciemment l’image de TGV INOUI, et même de lui en créer une sur ses trains, se détachant de la livrée Carmillon classique, très institutionnelle et naturellement liée à l’ancienne marque TGV, ce qui, à mon sens, ne donne pas toutes ses chances à la nouvelle… Mais nous y reviendrons dans une prochaine série d’articles pour les 40 ans du TGV…
Quoi de plus ?
Pour passer plus rapidement sur les autres éléments, on dit également pour une illustration :
« Nous utilisons des formes épurées, en rondeur, plutôt géométriques et sans contour. Pour cela nous privilégions un traitement en 2D ou avec des effets de perspective simples. »
« Pour que le sujet émerge au premier coup d’œil il faut rester synthétique et ne pas multiplier les objets ou les couleurs. Évitez de rentrer dans le détail des objets, les éléments secondaires doivent être simplifiés au maximum. »
« Il est donc important de restreindre le nombre de plans au maximum afin de rendre l’illustration la plus lisible possible. Plus les éléments se trouvent au fond de l’illustration, plus ils sont simplifiés et moins ils sont détaillés. »
Bref, on évite les illustrations trop chargées, les ombrages, les reliefs, on privilégie les plans simples et géométriques, sans contours. Pour ma part, 3 plans : un arrière plan uni, un plan intermédiaire avec du texte clair, et un premier plan géométrique avec la double « vague » carbone et FrenchBerry. Simple.
Donc en somme ?
Si on résume, on a quand même mis en évidence pas mal de choses pour se donner toutes les chances d’être dans le thème :
- De préférence, 1 teinte forte, et ses déclinaisons et/ou teintes neutres (gris, blanc…).
- Pas de mélange des 3 teintes TGV INOUI (FrenchBerry, Bleu, Jaune).
- Pas de noir, mais du Carbone à la place.
- Si couleur dominante, fond blanc/gris, sinon, couleur par touches.
- Pas de dégradés ni d’effets de texture ou de relief.
- Placement contraint des logos.
- On fait simple, géométrique, et léger à l’oeil.

Voilà, en quelques sortes, les contraintes qui ont mené à ma proposition de livrée. Toute cette démarche n’était évidemment pas écrite dans les règles du concours, mais c’est tout ce qui a naturellement découlé d’elles en faisant quelques recherches pour tenter de traiter le sujet sans rester en surface… Bon, le fait est qu’au final, ça n’aura pas servi à grand chose, et cela m’a sans doute plutôt desservi, notamment dans le vote des agents (puisqu’arrivé en quatrième place), et donc au jury final. C’est dommage… Je suis un peu déçu que peu soient sensibilisés à l’image de marque et aient cette exigence à l’oeil… Pourtant, je reste convaincu que l’on peut créer un visuel au fond très corporate, complètement dans le respect des contraintes graphiques/visuelles, et avoir quelque chose d’original.
Force est de constater que je ne remplissais visiblement pas tant que cela le cahier des charges, ou en tous cas que mes concurrents étaient bien plus rigoureux sur toutes ces contraintes. Le rideau ne s’ouvrira donc pas sur cette livrée, que je garde bien au chaud, et que je n’oublierai pas, de toutes façons. J’aimerais pouvoir la faire un peu « vivre » tout de même, qu’elle ne reste pas un simple fichier Illustrator et un fichier 3D Blender sur un OneDrive… J’ai quelque chose sur le point de se réaliser, les devis sont faits, et encore une fois, VOTRE implication et la participation inattendue de certaines personnes internes, auront été incroyablement porteuses et auront permis un élan inespéré. Vous avez été là jusqu’au bout, et tout cela est possible grâce à vous. Je ne sais pas bien pourquoi vous suivez tout cela, ni pourquoi vous vous y investissez avec moi, mais je vous dois un immense M comme « Merci ».
Maintenant que vous m’avez suivi jusque-là (et je vous en remercie), je vous laisse enfin contempler la décoration gagnante.

Originally tweeted by まい・ゆいの保護者 (@hokutosei81) on 26 mai 2021.
Le communiqué de presse SNCF / Alstom nous dévoile les 2 livrées qui seront apposées sur les rames de pré-série et d’essais. Côté SNCF, un rapide comparatif entre l’image du projet gagnant, et la livrée retenue, montre quelques changements, résidant dans le fait que des éléments des deux livrées coups de coeur ont été légèrement ajoutés au dessin gagnant, qui est partiellement repris, par la même occasion.

Je vous laisse donc juges de tout cela, pendant que je retourne dans mon coin à ma planche à dessins, qui se fera sans doute un peu plus discrète sur les réseaux, pour éviter toute déconvenue…
2 commentaires sur « Fin du concours « Imagine TGVM » »